Je remercie Floriane (notre portrait confinement en Inde du sud) pour m’avoir mise en contact avec Claire et nous permettre de lire cette instructive interview au Vietnam ,qui n’est plus confiné depuis un peu plus de 3 semaines.
J’ai demandé à Claire de nous faire un résumé de la crise du Covid au Vietnam. Toujours intéressant d’avoir un oeil local. Passionnant!
“Tout a commencé en janvier, lors des vacances du Têt (le nouvel an lunaire). C’est l’équivalent de Noël en France.
Les vietnamiens ont peu de vacances et c’est pendant le Têt qu’ils peuvent prendre quelques jours de congés, voyagent et surtout rentrent dans leurs régions natales.
Il y a énormément de tourisme au Vietnam! Le Vietnam est frontalier avec la Chine et beaucoup de touristes sont chinois.
Un contexte très favorable à la propagation du virus!
L’épisode du SRAS étant encore dans les mémoires, le gouvernement a réagi très vite en fermant les écoles dès fin janvier.
Rapidement également, la prise de température, la distribution de gel hydroalcoolique et le port du masque ont été fortement recommandés.
Nous recevions plusieurs sms par jour, pour nous demander de respecter les gestes barrières.
Le gouvernement a ensuite annoncé que les hôpitaux n’avaient une capacité d’accueil que de 1 000 lits, responsabilisant ainsi toute la population.
Un comptage précis et en temps réel a été fait.
Pas de place pour la vie privée. Si diagnostiqué positif au covid tu deviens le patient n°… , tu dois déclarer tes faits et gestes des 15 derniers jours de façon précise (où tu as été, qui tu as fréquenté….) puis tu es placé en quarantaine.
Les personnes ayant fréquenté un malade (F0) sont appelées F1, les personnes ayant fréquenté un F1 sont appelées F2….
Les F0, F1 et F2 sont placées en quatorzaine, isolées dans des camps militaires ou des hôpitaux réquisitionnés pour cela.
Le dispositif a très bien fonctionné… A ce jour, on dénombre 288 cas et zéro décès.
Les lieux de quarantaine ont été vite saturés. S’il y avait un cas positif, il y avait un confinement d’un quartier ou d’un immeuble….
A un moment donné, le nombre de malades s’est emballé. Mais très faiblement comparativement à ce qui s’est passé dans d’autres pays!
Le gouvernement a ordonné un confinement de plus en plus global et strict: Fermetures des lieux touristiques, des centres commerciaux, des bars, des karaokés et des spas.
Et surtout fermeture des frontières, suspension des délivrances des visas, des transports en commun, des vols internes et internationaux!
Nous n’avons aucune idée de quand vont reprendre les vols internationaux, la fin des mises en quatorzaine ou de la délivrance des visas.
“Prise de température à l’aéroport, au retour des vacances du Têt”
Claire et Jérémie .
Claire et son mari Jérémie se sont rencontrés lors d’un festival de musique française en Ardèche (lui était l’ami de son amie d’enfance).
Jérémie vivait à Lille et Claire à Strasbourg.
Jérémie revenait d’une année de voyage autour du monde et ont de suite beaucoup parlé voyages!
Alors que Claire venait juste de trouver un nouvel emploi pour le rejoindre à Lille, Jérémie a eu une proposition au Bangladesh….
Ce qui les a fait sourire. Ni assez murs dans leur couple ,ni très emballés par la destination…
Mais l’idée de peut être un jour partir vivre à l’étranger avait germé.
Un an et demi plus tard, son employeur lui proposait un poste en Inde.
Qui dit Inde, dit grosse difficulté pour bosser pour le conjoint accompagnant me précise Claire.
L’idée de devenir “housewife” et peut-être “desperate housewife” a été assez “flippante” pour Claire.
Mais elle n’avait jamais eu le luxe de prendre une année sabbatique et Claire et Jérémie envisageaient de devenir parents.
Si lui allait beaucoup travailler, eh bien Claire allait parcourir leur pays d’accueil le plus possible!
Chanceuse, elle savait pouvoir compter sur de super amis pour faire des bouts de voyages avec elle. En attendant que la petite graine s’installe…
Beaucoup d’expatriés le diront : « au départ, nous ne sommes partis que pour trois ans… » , et c’est bien souvent tellement plus longtemps!
Une proposition en entraînant une autre, ils ont continué l’aventure en partant pour Ho chi minh.
“Comment résister à l’appel de l’Asie du Sud- Est et de ses si belles promesses !?” nous confie Claire.
“Le plus dur, d’apprendre à vivre loin physiquement de nos familles et de nos amis était acquis.”
Claire et Jérémie vivent à Ho chi minh city depuis janvier 2019 et leur petite fille Anouk y est née en juillet dernier.
“Devant le pont japonais à Hoi An”
Comment te sens-tu à cette étape du déconfinement. Tu m’as dit que chez vous au Vietnam,le déconfinement a été fait il y a un peu plus de 3 semaines.Raconte nous. Le comportement des gens a-t-il changé par rapport à “la vie normale d’avant”? Y-a-til des endroits où le virus est revenu? Quels sont les gestes barrière adoptés et obligatoires depuis que le gouvernement a décidé de déconfiner?
Je suis ravie de pouvoir revoir des amis, de pouvoir me promener dans les rues, vadrouiller.
Nous savons que l’expatriation est une parenthèse dans notre vie, aussi ne pas pouvoir mettre à profit ce temps dans la découverte a été très frustrant.
Les gestes barrières sont les mêmes depuis le début de l’année : port du masque, prise de la température, lavage des mains au gel dans tous les lieux publics.
Courant mars/avril un très gros pourcentage de personnes portait le masque également dans la rue. Mais ça n’est plus le cas. On peut revoir des sourires !
Comment je me sens? J’ai enfin digéré que mon frère et sa famille et quelques amis n’aient pas pu nous rendre visite en avril.
On a bien réalisé que nous n’aurons jamais d’autre chance de vivre dans un si beau cadre de vie.
Nous avons profité de la baisse de la pollution de l’air et de la baisse de toutes les pollutions en général.
On a apprécié voir nos proches plus disponibles pour des appels et apéros zoom !
J’ai apprécié avoir un peu plus de temps avec mon amoureux et voir un papa avoir plus de temps avec sa fille même s’il a beaucoup travaillé pendant cette période.
Mais que je suis contente de pouvoir repartir en vadrouille !!
C’est vraiment bête de vivre à l’autre bout du monde, si c’est pour rester chez soi.
A l’heure actuelle, le Vietnam ne délivre toujours pas de visas et les vols internationaux toujours suspendus.
Impossible pour nos proches de venir nous rendre visite. Et impossible pour nous de revenir sur le sol vietnamien sans passer par la case quarantaine en camp militaire.
Le moment de pouvoir serrer nos proches dans nos bras est non déterminé. C’est le plus dur psychologiquement.
J’aimerai que Anouk partage quelques moments de sa petite enfance avec ses grands-parents et ses arrières grands parents, oncles et tantes.
J’aimerai souhaiter de vive voix la bienvenue dans ce monde fou à mon petit neveu Marius qui est né en février et serrer dans mes bras mes petites nièces chéries qui grandissent si vite.
Le deal était de vivre loin mais de pouvoir aller en France 2 fois par an.
Nous en sommes loin ! Vivre dans le plus beau lieu du monde mais sans pouvoir partager des moments physiques avec ses proches ce n’est vraiment pas facile.
Combien êtes-vous dans votre cocon.
Mon cher époux Jérémie 37 ans, notre petite Anouk qui va avoir 10 mois et moi même Claire 38 ans.
Je suis responsable de carrières et de paies (en disponibilité), et mon mari responsable développement durable.
Appartement ou maison avec jardin.
Nous avons la chance de vivre dans une maison effrontément agréable… Spacieuse, avec un grand jardin et même une piscine privative.
L’employeur de Jérémie a rapidement opté pour le télétravail.
Pendant un moment, nous n’avons pas été sereins, car des collègues que Jérémie fréquentait à son open space ont été ‘catalogués’ F2 !
Nous avons vécu une quinzaine de jours avec la peur de devoir partir avec notre pitchoune en camp militaire mais heureusement ces collègues n’ont pas été contaminés et nous avons pu vivre le confinement de façon confortable dans notre maison.
Fais-nous un topo de qui travaille de la maison. Si ton mari est reparti travailler à l’extérieur.
Je ne travaille pas et Jérémie travaille de temps en temps de la maison.
Comment se réveille la maisonnée.
Réveil de notre puce vers 6h45, je l’allaite puis laisse la main à son papa.
Je retourne me coucher jusqu’à 7h45.
Nous prenons un petit – déjeuner ensemble puis Jérémie part travailler.
T’accordes-tu un/des moments à toi pendant la journée. Et si oui, que t’autorises-tu à faire.
J’ai fait le choix de ne pas avoir de nanny et pour le moment les crèches ne sont pas encore réouvertes.
Pendant la sieste du matin, j’ai rendez-vous avec Luca, un magnifique professeur d’aquagym italien… sur YouTube .
Ensuite, je vais souvent dans un bar à enfants: un endroit béni de tous les parents, où nos chérubins jouent avec des animatrices tandis que les parents sirotent de bons smoothies ou autres cafés glacés coco.
De façon général, le Vietnam est très “kids friendly”. Aussi ai-je une vie relativement normale avec notre “mini nous”
Si je suis occupée, un serveur ou un vendeur,arrivera rapidement pour divertir ma petite puce.
Est-ce que papa aide à l’intendance de la maison.
Oui ! ça nécessite quelques petits réglages de temps à autres…
Notre rythme et notre organisation étant sans cesse remis en cause.
Que ce soit du fait que je sois plus à la maison ou depuis l’arrivée de la petite.
Mais nous en discutons régulièrement et nous faisons en sorte que la répartition des taches nous aille à tous les deux.
Il gère le matin et quand il le peut ,le bain, repas et coucher du soir.
Depuis quelques mois, nous faisons appel à une femme de ménage qui vient une fois par semaine faire le gros du ménage, je fais le ‘courant’.
Nous faisons les courses une fois sur deux ensemble une fois par semaine.
Je fais le linge, cuisine, il fait la vaisselle !
Quelles sont les activités culturelles ou créatives de chacun.
Jérémie lit beaucoup, moi j’apprends à jouer du ukulélé et aussi à cuisiner !
On regarde de temps à autres des films et séries !
Et on se programme des escapades !
Regrettes-tu la période de confinement.
Pas du tout ! Je souhaite que le coronavirus soit derrière nous.
Pour que nous puissions arrêter de nous faire du souci pour nos proches et enfin nous ressentir plus libres!
Bon, j’avoue regretter les siestes mais pas la préparation du déjeuner !