Vous connaissez peut-être Sophie Charlotte Chapman , auteur de guides pour entrepreneuses.
Sophie a perdu sa moitié, l’homme de sa vie, le papa de ses enfants, il y a juste 2 mois. Juste avant le confinement que nous vivons tous.
Je ne vous demanderai pas de vous apitoyer sur le sort de Sophie. Non. Ce n’est pas le but de cette interview.
C’est Sophie qui est venue vers moi en me disant qu’une interview spécial confinement l’intéresserait.
Cela lui a fait du bien d’écrire son quotidien. Les mots sont salvateurs.
Je vous demande en finissant cette interview de lui envoyer de l’Amour. De fermer les yeux, de poser votre main sur votre coeur et de lui envoyer des lumières de positivité et d’Amour.
Ton mari et le papa de tes enfants , est parti il y a juste 2 mois et tu te retrouves en confinement sans pouvoir voir le reste de ta famille. Les réseaux t’aident-ils en ce moment très très particulier de ta vie.
Les réseaux m’aident depuis longtemps à garder un lien social.
Mon mari voyageait énormément et avec des enfants en bas âge, j’étais souvent réduite dans mes déplacements et mes sorties (sieste, école, heure des repas, maladie…).
Les réseaux me permettaient aussi de continuer une vie professionnelle tout en m’occupant de mes enfants.
Ils ont été le lieu de rencontres, de nouvelles amitiés virtuelles puis réelles.
Alors oui, aujourd’hui, les réseaux sociaux, et notamment Instagram, me permettent plus que jamais de préserver ce lien social en plein confinement et en plein deuil.
Parler de ma situation presque quotidiennement est une petite forme de thérapie, une lutte contre l’oubli, et une façon pour moi d’extérioriser ce qui ne serait pas bon de garder en moi trop longtemps.
Les messages et les commentaires que je reçois sont plein de bienveillance et m’aident chaque jour à me sentir moins seule.
Je reçois aussi des témoignages de mamans endeuillées trop jeunes comme moi et cela me donne des pistes (de lecture par exemple) et un peu d’espoir..
Combien êtes-vous dans votre cocon. Un chien ?
Nous sommes quatre désormais, un chiffre pair qui ne sonne plus rond..
J’ai trois enfants de 13, 11 et bientôt 8 ans.
Nous avons une grande ménagerie : un jeune chien que nous avons accueilli à l’été dernier suite au décès brutal de notre labrador, trois chats bien trop gourmands mais excellents chasseurs qui nous réveillent la nuit à coup de surprises vivantes (arggg), trois lapins nains tout doux et huit poules qui nous régalent avec leurs œufs bien frais.
Appartement ou maison avec jardin .
Avec tout ça, nous habitons à la campagne, dans une vieille longère normande à colombages convertie en habitation, il y a une vingtaine d’années.
Nous disposons d’un grand jardin et avec le temps qu’il fait en ce moment, tout y pousse très vite.
Je tonds désormais la pelouse avec le tracteur de mon mari et j’essaie de tenir le rythme…
Fais-nous un topo si tu travailles de la maison et les classes des enfants.
Je travaille de chez moi depuis 10 ans pour ce qui est de mon activité de Freelance (sophiecharlotte.com, entrepreneusescreatives.com et pitimana.fr) et pour la préparation de mes cours en école auprès des étudiants.
Je suis consciente de mes qualités de pédagogue mais auprès d’adultes, avec mes enfants ce n’est pas la même histoire !
Alors, je jongle entre les deux et les enfants comprennent le partage du temps et de l’espace quand cela les arrange !
Je me rends compte aussi qu’ils ne travaillent pas et n’apprennent pas de la même façon que je le faisais à leur âge alors j’essaie de ne pas leur imposer « ma façon de faire ».
Par exemple, mon second a une très bonne mémoire auditive, alors pour les poésies, je m’enregistre les lisant avec les liaisons et l’intonation, après plusieurs écoutes il est alors capable de me la réciter de son mieux et quand j’arrive à le mener à ce résultat, c’est une belle récompense mais je n’ai pas toujours de telles idées !
La connaissance de soi et de l’autre dans le processus d’apprentissage prend du temps, demande beaucoup de patience et d’expériences répétées…
Côté activité freelance, la motivation m’a quittée au décès de mon mari, c’était lui mon moteur et le rock sur lequel je pouvais me reposer.
Aujourd’hui, deux mois déjà après, je n’ai plus le choix que de continuer et de rendre mon activité viable pour mes enfants et moi.
Heureusement, je suis soutenue par de chouettes créatrices et entrepreneuses qui ont pris le relais pour moi, le temps que je refasse surface et reprenne peu à peu mes esprits. J’ai encore beaucoup de mal, de gros trous de mémoire.
Je fais au jour le jour une to-do list et Sandrine Franchet, ma co-auteur (de nos guides pour entrepreneuses aux éd. Eyrolles) et co-fondatrice de la communauté des Entrepreneuses Créatives, me coache et s’assure que j’assume les tâches qu’elle me confie.
Chaque jour est un petit combat et un petit pas de plus…
Comment se réveille la maisonnée.
A l’heure où j’écris ces lignes, les enfants dorment encore et je n’ai aucune motivation de les réveiller pour le moment.
Il est 9h30, nous sommes en vacances (zone B) depuis quelques jours seulement et ces deux derniers mois ont été suffisamment éprouvants pour que je rajoute à la souffrance.
Mais passée 10h30 je réveille tout le monde (s’ils ne se sont pas levés naturellement) pour éviter des endormissements encore plus tardifs le soir.
Nous sommes bien décalés du coup, mais nous prenons notre temps le matin : chacun déjeune à son rythme, puis se prépare. L’heure du midi arrive très vite ensuite…
T’accordes-tu un/des moments à toi pendant la journée. Et si oui, que t’autorises-tu à faire.
J’essaie mais ce n’est vraiment pas évident, j’arrive à me poser sur la terrasse pour boire un thé après le déjeuner.
On me conseille de faire une sieste mais les réveils sont toujours difficiles : j’ouvre les yeux et la réalité me revient à l’esprit. Je suis seule dans mon lit.
Se poser c’est aussi la porte ouverte à la réflexion, à la réalisation de ce qui s’est passé et se passe encore.
La dureté de la situation n’est pas agréable et je crois que je préfère encore la fuir en m’occupant l’esprit et les mains.
Je fais beaucoup de travail manuel : du jardinage, du diy, un peu de cuisine, du rangement…
Et puis si j’en ai la force, j’écris. Les réseaux et le blog sont mes moyens d’expression. J’y passe plusieurs fois par jour et ce sont autant de micro-pauses qui me font du bien.
Comment se déroule la classe à la maison. Y-a-t-il des horaires fixes, seuls dans la chambre ou encadrés.
Pour nous, c’est sur la table à manger.
C’est une grande table de ferme en bois qui appartenait à mes grands-parents et sur laquelle je faisais moi-même mes devoirs quand j’étais petite.
Elle est polyvalente et encore plus en cette période de confinement !
Nous y mangeons et nous y travaillons.
Je peux m’y installer avec mon ordinateur pendant que les enfants travaillent sur leurs devoirs respectifs. Si les garçons sont face à face, ça dégénère vite en blagues du type caca boudin que je vous laisse imaginer alors je les sépare, même si, je dois l’avouer, les entendre rire nous fait du bien à tous.
Le plus jeune en CE1 a besoin de plus de supervision mais tout lui semble trop facile alors il fait n’importe quoi, et ce qu’il pourrait expédier rapidement prend toujours plus de temps.
Son frère et lui négocient tout : le temps de travail, la quantité, l’intérêt de tel ou tel exercice…
Ils s’accordent cependant sur leur passion commune pour les maths, qu’ils tiennent de leur père.
Ma grande est au collège et travaille plutôt dans sa chambre.
J’essaie de les faire travailler le matin et de leur laisser l’après-midi libre mais le travail fractionné fonctionne aussi pas mal pour garder un certain niveau de concentration et d’efficience sur un court temps.
Les horaires ne sont donc pas fixes d’autant que j’anime moi-même des cours en ligne pour mes étudiants alors il y a des jours où tout un peu décousu…
Quelles sont les activités culturelles ou créatives de chacun.
Leur activité principale tient en cinq lettres : ECRAN.
Et si je dois reconnaître que Tiktok et la Nintendo Switch m’achètent des minutes (voire des heures) de calme et de silence, ce n’est pas une solution à long terme.
Il faudrait que je puisse occuper les enfants sur d’autres activités mais voilà, étant seule à tout gérer désormais et sans aucune aide extérieure possible, je n’ai pas le temps ni la force.
Je les oblige cependant à profiter du jardin un maximum, j’ai remis le trampoline en état (il avait souffert des tempêtes de février).
Les garçons ont commencé à se construire une cabane.
Ma grande, elle, aime le dessin et ranger sa chambre en permanence…
Pour ma part, je m’essaie à un maximum de DIY et de tutos que je laissais toujours de côté.
J’avais dans mes placards plusieurs kits créatifs encore jamais ouverts alors c’est l’occasion de m’y mettre enfin.
J’essaie aussi de lire un peu le soir… mais mes yeux se ferment vite sur les pages et je retrouve le livre au pied de mon lit au petit matin…
Avais-tu prévu des vacances de Pâques ailleurs que chez toi.
J’avais promis aux enfants de partir en Espagne chez le meilleur ami de leur papa.
Il pouvait nous accueillir et nous aurions profité de la piscine et de la plage.
Ma grande a commencé à apprendre l’espagnol et visiter Barcelone était une perspective intéressante.
Je n’avais heureusement pas pris de billets. Car prise dans le tourbillon du rapatriement de mon mari (décédé brutalement à l’étranger) puis par ses obsèques en France puis en Angleterre (il était britannique). Je n’ai que peu prêté attention à l’actualité et à la pandémie qui se dessinait à l’autre bout du monde.
Quand après un mois de funérailles, je rentrais en France, nous apprenions la fermeture des écoles et le début du confinement.
Cela fait donc deux mois que nous vivons ainsi dans l’anxiété de notre nouveau demain.
Les vacances sont alors vite tombées à l’eau et nous n’avons aucune vision sur un prochain voyage possible en Angleterre pour retrouver la famille de mon mari…
Que regretteras-tu de cette période de confinement.
Les matins sans réveil.
Pas de course poursuite contre la montre pour déposer ma fille au bus et les garçons à l’école.
Traîner le matin au lit, traîner ses chaussons jusqu’à la douche sans aucune pression.
Laisser les enfants finir leurs rêves sans les brusquer parce que de toute manière rien d’important ne nous attend.
Prendre le temps de tout ce que le temps ne nous donne pas de faire d’habitude.
Et la voiture à l’arrêt.
Les moteurs coupés, l’autoroute au pied de chez moi désormais silencieuse.
Nos trajets sont limités, j’en oublie la conduite. Prendre ma voiture est une chose rare. Quelques fois par semaine seulement alors qu’avant c’était plusieurs fois par jour : matin, midi et soir.
Ce confinement a mis beaucoup de choses à l’arrêt et il y a quand même du bien dans tout cela.
Laisser un commentaire