L’enfance.
Je suis née un jour de printemps au début des années 70.
J’ai vécu mes 3 premières années de vie chez ma grand-mère dans la campagne du Pas-de-Calais.
Mes parents vivant et travaillant à Lille venant me voir le week-end.
Je me souviens de ces déjeuners devant « Midi première « , de ces câlins que me faisaient ma grand-mère quand je pleurais devant un dessin animé. Avez-vous connu « Le petit prince orphelin »? Je crois me souvenir d’une guêpe ou abeille. C’était d’une tristesse absolue ce dessin animé quand j’y pense.
Des années de pur bonheur qui sont ancrées dans ma mémoire à tout jamais.
Et puis à 3 ans avec la rentrée des classes de maternelle je suis arrivée chez mes parents dans la banlieue lilloise. J’ai découvert une nouvelle maison avec ses nouvelles odeurs. Avez-vous remarqué que chaque maison a sa propre odeur. Celle de ma grand-mère sentait l’humidité et les noix en automne. Les blés coupés et les poires écrasées en été.
Heureusement les vacances scolaires existaient pour retourner dans ce cocon avec sa douceur et ses odeurs.
L’école primaire: Et l’excitation d’apprendre
Arrivée en école primaire j’étais la première de la classe. En CE1 pareil.
Et de ce fait j’ai passé une classe et du CE1 je me suis retrouvée le jour de la rentrée des classes en CM1 sans que mes parents ne soient au courant!
Je me souviens très bien que ce jour là mes parents ne travaillaient pas. Il existait des rentrées des classes les samedis à l’époque? Peut-être. Ce jour là, je suis arrivée à la maison et j’ai raconté à ma mère ce qui m’arrivait. Avouons que ce n’est pas commun de « passer » une classe sans mettre les parents au courant, non?
Ni une ni deux, ma mère a traversé la route (j’habitais face à l’école) et est allée râler!
Je me suis donc retrouvée avec l’autre meilleure élève de la seconde classe de CE1 chez les « grands ».
Je peux vous dire que c’est très impressionnant d’arriver dans une classe inconnue avec tous ces regards braqués sur vous! Une année d’écart quand on est enfants, c’est énorme.
Les premières semaines, tout était facile. Sans doute pour que nous ne nous sentions pas perdues et ayant envie de retourner en arrière.
A cette époque, je ne profitais pas du fait d’avoir l’école en face de chez moi. Je me levais tôt et ma mère me conduisait chez une dame (que j’ai appelée avec le temps, ma 3ème grand-mère) le matin. Et je déjeunais aussi chez elle. Soupe tous les midis avant le déjeuner!
Une petite fille aux longs cheveux blonds. Et moi.
J’ai donc fait ma primaire avec mes cheveux courts puisque ma mère me les coupait très courts. La risée des autres .
La petite fille qui avait passé cette classe avec moi était blonde aux cheveux longs. Chaque vendredi soir, elle et sa soeur prenaient un bain et arrivaient le samedi matin avec leurs cheveux bouclés. Et moi, avec mes cheveux courts dont la frange était parfois coupée par ma mère, un supplice!
Déjà le contraste physique avec cette petite fille.
Je me souviens d’un jour où des grandes m’avaient dit ne pas vouloir jouer avec moi mais avec elle parce que j’étais moche. Je m’en souviens encore. Et des histoires comme celle-ci j’en ai des dizaines.
Tout ça pour des cheveux courts. Parce que ma mère voulait un garçon. Que de souffrances endurées pour une histoire capillaire.
Hors mis le contraste physique avec cette camarade de classe, il y avait aussi notre totale différence à apprendre et à être une très bonne élève. Totale.
Et ça , je l’ai analysé et compris bien des années plus tard. Moi et mon désarroi face à la compétition et la jalousie et elle sans cesse dans la course , sans cesse à n’avoir comme mantra « être la meilleure, toujours ».
Elle est maintenant directrice de recherche au CNRS pendant que moi j’ai eu mille vies. Mille vies à essayer de me trouver et de demander le droit d’être aimée et d’exister. Je sais que tu comprends très bien ce que je dis si tu es un HS qui me lis. Et à toi qui ne l’es pas mais a un enfant qui te semble similaire.
Malgré tout.
Ma primaire est malgré tout un souvenir d’apprentissage facile. J’aimais apprendre. La découverte des mots, des histoires, de pouvoir lire soi même. De comprendre très vite et de passer à un autre exercice. Et être parmi les meilleurs. (Parce que c’est ça l’école. Apprendre en groupe avec des notes) Mais sans me prendre la tête. Puisque la compétition m’est inconnue. Particularité des HS et des HP.
La jalousie.
J’ai découvert pendant ces années d’enfance, en HS que je suis ; « la jalousie ». Que j’aurai tant de mal à comprendre. Tout au long de ma vie.
Les camarades restés dans la classe précédente avaient du mal à avaler la pilule.
« Nous on s’en fout, on préfère rester dans la classe tous ensemble ». J’ai commencé à les perdre petit à petit. Derrière ce genre de comportements il y a toujours les propos des parents le soir à la maison et leur jalousie. Ok je n’ai moi-même pas d’enfant mais avouez que parfois les parents sont tellement fiers de leur enfant qui lit 2 mots à 4 ans que cela en est ridicule. Ou le mettre en avant comme un futur prix Nobel.
Je n’ai jamais supporté ma mise en avant. Elle attire cette jalousie . Combien de fois je me suis cachée. Combien de fois je me suis mise en arrière quand on me faisait un compliment devant d’autres. Passer inaperçue : mon mantra de l’époque. D’ailleurs ce n’était pas un mantra puisque j’avais cette réaction sans m’en rendre compte.
Un jour de classe de sport en CM2 , j’ai couru la plus vite des filles et garçons de ma classe. Pendant que mon maître me félicitait comme certains de mes camarades, d’autres m’ont dit que j’avais eu de la chance, que le prof avait dû faire une erreur… Nous sommes rentrés en classe. Et ma surprise et mon désarroi m’ont suivie. Désolée d’avoir été la première. Si c’est pour susciter ce genre de réactions, non merci. Prochaine fois … Et vous vous doutez bien que je n’ai plus jamais couru plus vite que l’autre.
C’est une anecdote parmi d’autres pendant ces années de primaire. Et j’aimais tant apprendre.
Dès que je faisais, je réalisais un truc, que j’étais félicitée par l’instit pour un devoir rendu parfait, j’étais bonne pour les quolibets jaloux. Quolibets acerbes multipliés par 100 pour un enfant HS comme moi. Un « normopensant » n’aurait pas eu la boule dans la gorge et l’envie de disparaître dans un trou.
Si…
On parle beaucoup de l’école à la maison ces jours-ci. Puisque le gouvernement veut l’interdire. Elle aurait été faite pour moi. Apprendre sans me soucier du regard de l’autre. De l’enfant et de l’ado qui peuvent être si cruels.
Alors avec mes bonnes notes et mes cheveux courts, j’ai terminé ma primaire et suis arrivée au collège où les gros soucis ont commencé .
Mes années collège ! Un enfer !
Un matin de septembre, au milieu des années 80, une petite fille aux cheveux courts et un an d’avance fit son entrée au collège. Cette petite fille douée et hypersensible c’était moi. Je fus projetée en une matinée dans un autre monde. Le monde de l’enfance et d’un bonheur simple laissa la place au monde de la concurrence, du rejet et de l’incompréhension. Un an d’avance ajouté à mon hypersensibilité et j’étais partie pour des années de questionnement et la perte de mon sourire. ⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀
Ce matin de rentrée scolaire, tous les élèves accompagnés d’un parent attendaient patiemment que leur nom soit prononcé pour rejoindre leur nouvelle classe et leurs nouveaux camarades. Je voyais mes anciens camarades partir en sachant que j’aurais du mal à les retrouver comme avant dans la classe de primaire où nous jouions. Au collège on ne joue pas dans la cour.
Vous vous souvenez de la petite fille blonde qui avait passé une classe en même temps que moi. Elle était épanouie. Elle (ou ses parents) avait choisi allemand en première langue et nous fûmes donc séparées. Notre vie personnelle ne fut en aucun point similaire au fur et à mesure des années.
Il y avait 6 classes de 6ème cette année là. Plus du tout le même nombre d’élèves dans le même endroit vous l’imaginez bien. ⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀
Les noms des élèves se suivaient dans un flot continu et j’attendais avec angoisse de rejoindre les autres. J’allais être mise en 6ème F. J’ai donc attendu avec ma mère un long moment. Ma mère s’impatientant, elle me dit « ah c’est peut-être celle-ci » et je lui répondis cette phrase que je n’ai jamais oubliée « non là c’est la classe des nuls ». 6 mois plus tard, je serai moi aussi une nulle. La chute fût rapide et sans retour. Nous étions une bonne trentaine par classe et ça aussi ce fût un énorme changement. J’étais dans la classe des bons élèves.
Tous les enfants de profs du collège de mon âge étaient avec moi. Du prof de Maths au prof d’anglais en passant par la fille du directeur. Qui fût ma camarade toutes ces années.
Au début de l’année, mes notes étaient similaires à la majorité. Majorité qui tournait autour de 18 ou 19/20. Oui c’était du haut niveau. Mais cela a été de courte durée. Je ressentais une tension quotidienne. J’étais dans une bulle de peur des profs et des autres élèves qui pour la grande majorité ne m’aimait pas. J’étais restée enfant, j’avais des cheveux courts et pas jolie jolie. Je n’étais pas habillée à la mode des années 80 avec des marques voyantes. Les profs me faisaient peur et pour la plupart ne m’ont jamais mise à l’aise bien au contraire.
Dans cet élément magique, mes notes ont chuté en quelques mois. Je ne faisais plus rien pour avoir les notes dont j’avais l’habitude.Je me souviens de mon seul 7/10 en primaire et combien je m’étais sentie mal. Je n’avais pas du tout l’habitude de ne pas être dans les 1ers. Et je n’ai pas voulu, pas pu. Je n’avais pas du tout le cerveau fait pour m’accrocher à cette folie de concurrence dans ma classe. Je me suis laissé couler.
Bien-sûr les menaces de ma mère ont commencé à faire leur apparition. Au lieu de se demander pourquoi je tombais si bas. C’était les années 80 et on a préféré croire que je n’avais pas le niveau, que j’étais paresseuse ou idiote. Alors que je souffrais terriblement au quotidien. Mon sourire a commencé à être inexistant. Et je me suis fermée comme une huître. .J’ai commencé à cacher mes notes dans mes placards et comme ma mère a toujours fouillé dans mes affaires, les trouvaient. Combien de fois je suis revenue de l’école les samedis et je trouvais mes notes cachées, étalées sur mon bureau. Un mal de bide m’envahissait. Quel changement de vie en quelques mois. C’est insensé quand j’y pense.
Et puis un soir où ma mère m’a demandé pourquoi je n’avais pas encore eu mon bulletin, je me suis sauvée.
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Oui. J’avais donc 11 ans quand j’ai fait cette fugue. ⠀⠀
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Au lieu d’aller au collège, où je savais que mon bulletin ne m’attendait pas puisque je l’avais caché, je suis partie à travers les rues accompagnée d’une boule au ventre terrible. Le seul endroit que je voulais atteindre était l’autoroute pour me rendre à pied chez ma grand-mère et mon cocon.
J’ai déambulé des heures, m’approchant de l’autoroute, me cachant sous un porche car il a commencé à pleuvoir. Ce n’était qu’une excuse. Je savais dans mon inconscient que je n’y arriverais pas et que c’était bien trop dangereux. Et mes pas m’ont peu à peu rapproché de chez moi où je me suis planquée sous un arbre à 50m. Mon père qui me cherchait est passé et de lassitude je suis allée vers lui. Il m’a juste dit que j’allais bien me faire engueuler par ma mère tandis que lui ne disait rien comme d’hab. Mon père cet inconnu mais c’est une autre histoire. ⠀⠀⠀
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En effet le retour fut terrible avec des coups, et des menaces de pension et de psy. Comme j’aurais aimé ! ⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀
Le retour à l’école fut de nouveau une boule au ventre terrible. Ma mère a voulu que nous rencontrions le directeur du collège (souvenez-vous, il était aussi le père de ma compagne de classe). Certains profs ont été encore plus terrible avec moi.
La prof de Géo m’a carrément séparée de ma copine de table (qui n’y comprenait rien), pour me laisser seule au fond. Pour un enfant HS qui a peur de l’abandon et qui avait déjà été retirée du cocon de sa grand-mère, ce fut la fin. La fin du sourire et de ce jour on me demanderait toujours pourquoi je ne souriais pas plus. La boule au ventre qui était présente chaque jour.
J’ai commencé à me demander comment je pouvais m’y prendre pour me suicider. Je me disais que sauter par la fenêtre serait vain depuis que mes parents avaient mis une véranda. Et un flingue je ne voyais pas du tout comment m’en procurer un. Alors j’ai continué à vivre si on peut utiliser ce verbe. Toujours un supplice de rentrer chez moi et un autre supplice d’aller en classe où la plupart des profs et des élèves ne n’aimaient pas. Un cauchemar éveillé.
Je ne sais pas comment j’ai fait pour voir les mois et les années défiler. Et toujours gardant devant tous une présence obligatoire. Un jour, bien des décennies plus tard, une énergéticienne me dira que je suis protégée, par quelqu’un là-haut. Si j’avais su cela à l’époque, ça m’aurait peut-être donnée une force. Et me dire intérieurement « allez tous vous faire foutre, je vais me construire ma vie sans vous » ! Mais ce ne fut pas le cas. J’étais protégée sans le savoir et ce fut déjà énorme pour la personne que je suis devenue et qui est aujourd’hui capable de vous écrire ces lignes.
L’anecdote de ma prof de Maths du collège.
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Souvenez-vous que j’avais des 19 ou 20 en début d’entrée au collège et que j’étais dans la best classe avec les enfants de profs. Puis dégringolade moi l’enfant HS qui a horreur encore aujourd’hui de la concurrence. J’avais une prof de Maths très stricte et sévère. Il faut savoir qu’un enfant HS ou HP ne travaillera en confiance et bien, que s’il se sent en cocon avec le prof. Cela a toujours été mon cas et je suis sûre que cela vous parle. ⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀
Il y a avait une telle tension dans cette classe que j’avais mal au bide à chaque fois. Mes notes dégringolant, j’ai commencé à cacher mes notes. Un jour cette prof m’a demandé le tél de mes parents pour leur parler de mes notes ! Gloups ! Panique. Je lui ai donné et sur le chemin retour, j’ai cherché comment je pouvais faire pour couper les fils du tél ! No comment!⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀
Je ne l’ai pas fait et elle n’a jamais appelé. ⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀
Figurez-vous que cette prof qui a hanté mes souvenirs de collège avec sa coupe de cheveux impeccable et son tablier blanc est devenue amie avec ma mère. Oui oui ! Vous avez bien lu ! ⠀⠀
Je ne sais plus dans quel club de la ville ! Elle a commencé à sympathiser avec elle il y a une quinzaine d’années ! Je me suis dit à l’époque que je ne pourrais jamais me sortir de cette période puisque ma mère parlait souvent d’elle. De ses sorties tous les 3 avec le mari de cette prof ! La vie est étrange. Ils sont allés au resto tous les 3, à des spectacles et même en voyage de groupe !!!!
Cette prof qui est aussi venue à l’enterrement de ma grand-mère il y a 6 ans. J’étais dans le coltard ce jour là et je fus aimable sans me prendre la tête.
Ma mère m’avait dit un jour « ah oui avec Mme …, tu nous en as fait voir à cette époque » !
Je me suis sentie petite de nouveau et incomprise ! Et vous non ?! j’avais envie de dire mais je me suis tue et jamais ma mère et elle ne sauront qui je suis vraiment.
Un jour de cet automne où je vivais chez ma mère, il a fallu que j’aille boire l’apéritif chez eux ! Ma mère avait dit oui sans me consulter et j’ai fini par y aller me disant que j’avais 48 ans et que cela serait sans doute bien pour nettoyer les traumas du passé.
En effet, ce fut une soirée simple , sans mal de bide ni non plus de grandes conversations. En face de chez elle, vit un prof de Sciences Nat que j’avais et la seule chose évoquée de cette période ancienne fut « tu l’as eu au collège, n’est-ce pas ? » Et ce fut tout. Pas de questions non plus sur ma vie et les métiers que j’ai pu avoir. Who cares.
Ma mère voulait que nous les invitions avant que je parte. J’ai dit « non, tu attendras que je parte ».
Faut pas pousser le bouchon non plus !! 😉
Quand j’en aurais l’envie et la force, je vous partagerai mes années lycée et la suite de mes études.
Sachez juste que j’ai eu mon Bac B en 1990 à 17 ans. Et que la force qui m’a poussé à l’avoir ne fut pas de filer faire des études mais de partir de chez moi.
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Et en attendant, vous pouvez toujours me suivre sur mon compte Instagram au quotidien.