« La tempête fait rage, et de l’eau glisse sur mon visage.
Il y a mille nuages, que nul ne peut mettre en cage
Mettre en cage, mettre en cage »
Clou – La tempête
C’est par cette musique et cette voix puissantes que Clou m’a mise par terre. Oui. Subjugée. Mise en morceaux. Ces multiples émotions qu’une hypersensible comme moi, ressent face à ces artistes qui vivent et transmettent leurs émotions puissance mille.
Je vous dis souvent que quand j’aime une chanson, je l’écoute 20 fois d’affilée. Ca n’a pas loupé avec Clou et « la tempête ».
En vous écrivant ces mots, je suis d’ailleurs en train de l’écouter en boucle.
Je vous demanderai donc une seule chose c’est de mettre votre casque ou à fond chez vous ce morceau en lisant cet entretien. Je sais que les larmes de beaucoup d’entre vous couleront sur vos visages parce que sa voix est enchanteresse et les instruments puissants. Merci à toi Clou pour donner ces moments à tes fans. A nous.
A quoi rêvais tu ado. Avais-tu déjà une idée de ce que tu voulais faire dans la vie.
Je rêvais de devenir écrivaine de roman d’aventure.
J’avais une vie intérieure très fournie qui s’articulait autour des livres, de la musique et des bandes-dessinées.
Je n’arrivais pas à me projeter dans le réel je dois dire, parce que c’était difficile chez moi de pouvoir s’exprimer librement, donc officiellement, nous n’avions pas d’envies particulières.
Officieusement, je crois que je rêvais de quelque chose d’artistique.
Comment définirais-tu ta personnalité.
Je ne peux pas définir ma personnalité, c’est plutôt aux autres d’en parler, alors peut-être seulement que ce sera proche de la vérité.
Quel est le parcours ou la formation dont tu as eu besoin pour exercer ton métier actuel.
Le métier d’autrice-compositrice-interprète n’a pas vraiment de formation.
Personnellement j’ai fait le conservatoire quelques années (j’étais mauvaise en solfège) et surtout j’ai toujours beaucoup écrit et composé.
Je crois que la seule formation valable c’est la pratique. La musique c’est concret.
Bien sûr , il faut apprendre un peu de technique mais il ne faut pas s’enfermer dedans.
Peux-tu nous raconter ton étape américaine.
J’ai vécu un an aux Etats-Unis pour la fin de mes études.
J’avais l’impression que ça poserait un trèfle à quatre feuilles sur mon CV d’avoir une expérience dans un autre pays et d’être bilingue en anglais.
C’était un objectif hyper précis dans ma tête depuis longtemps de quitter la France et vivre au rythme d’un autre pays.
J’étais basée à New-York, d’abord Brooklyn puis Manhattan (à Harlem), en colocation avec des newyorkais c’est à dire des étrangers venus tenter leur chance dans la grosse pomme.
L’expérience globale était foutraque, bruyante, difficile aussi. Ce n’est pas une ville sympathique, c’est une ville qui fait mal. Mais j’ai adoré et surtout je m’y suis sentie très libre.
Dis-nous ce que tu fais en ce moment. Entre un album qui marche et un confinement puis déconfinement puis de nouveau semi confinement. Cela engrange t- il des difficultés professionnelles.
En ce moment, je travaille sur une BD.
J’essaie d’en faire une depuis trois ans, là, j’ai le temps d’essayer des choses et de m’y mettre à fond !
Et puis j’écris et compose des chansons pour un deuxième album ou un EP, je pense que c’est sain de continuer à se projeter et surtout de rester active.
Les difficultés, elles sont connues, et ce sont les mêmes pour tous les professionnels du spectacle.
Je reste confiante et j’espère que 2021 sera plus clément.
Qu’est ce que tu préfères dans ton travail .
Je crois que je préfère les gens.
J’ai longtemps cru que j’étais une solitaire sombre et glacée dans ma chambre et qu’écrire était mon activité préférée dans ce métier.
Mais avec le recul, je crois que je ne deviens véritablement vivante que lorsque je rencontre des gens.
Le public d’abord, les artistes, les professionnels avec lesquels je travaille, les journalistes, les bloggeurs, mes amis évidemment aussi.
C’est ça qui me plait le plus.
Où trouves -tu tes idées. Comment t’inspires tu. L’écriture de tes chansons vient-elle d’un seul jet quand l’inspiration vient ou quand ton cœur sort les mots par lui-même, d’un seul coup.
Je ne crois pas à l’inspiration, je crois au travail et à la discipline artistique.
Je vis l’écriture et la composition comme un artisanat.
Si on s’y met tous les jours, alors on passe son temps à trouver des idées partout, dans les livres, les films, les histoires des autres, dans sa solitude, dans des images, des actualités. Tout peut être inspirant.
Quand j’écris, la mélodie vient en premier, puis dans le « yaourt » ou la couleur de la mélodie, un thème ou un mot sort.
Je fixe alors l’idée et j’écris en vrac en essayant de faire rimer ma pensée. Ça vient assez vite en grande quantité, après il faut élaguer !
J’aime beaucoup la chanson « On avance ». Peux-tu nous raconter son histoire.
« On avance » est une sorte de mantra.
Elle est entrainante et joyeuse mais elle parle de la solitude !
Et notamment du fait que nous sommes seuls à vivre ce que nous vivons.
Personne ne ressent la même chose, n’a le même vécu, les mêmes réactions : on est fondamentalement seul, même lorsqu’on est dans la foule, au travail ou chouchouté par un entourage ou bien installé dans une vie confortable.
J’ai aussi une connexion particulière avec « Narcisse » et « Si t’étais moi » qui vont parler et faire du bien à certaines femmes qui ont cette histoire en commun.
« Narcisse » est une chanson qui parle des pervers narcissiques et des personnes toxiques en général.
C’est un sujet qui n’est pas drôle, certes, et qui fait écho à des histoires de mes amies et des personnes que j’ai pu rencontrer, notamment dans ma famille.
Je connais très bien le sujet, j’ai beaucoup lu Marie-France Hirigoyen mais aussi tout ce qui concerne les traumatismes de l’enfance et notamment Boris Cyrulnik.
Je n’ai bien sûr pas tout assimilé mais je crois pouvoir en parler.
Cette chanson est une représentation de ce problème, elle permet donc de l’accepter et puis de passer à autre chose surtout. La résilience ! La suite !
« Si t’étais moi » est née après un déjeuner avec des amis d’amis (des hommes) qui se permettaient de me donner toutes sortes de conseil pour sortir mon album, alors qu’aucun n’était artiste ni musicien.
C’était presque drôle, sauf que je suis sortie du déjeuner énervée et épuisée, j’ai écrit la chanson d’une traite comme si j’étais encore autour de la table avec eux.
Quelles sont tes principales passions. Voyages-tu beaucoup.
Mes principales passions sont la musique, la littérature, le dessin, l’illustration en général et les voyages quand on le pouvait.
J’ai toujours mis mes économies dans les instruments, les livres et mes vacances plus que dans quoi que ce soit d’autre !
J’ai été un peu partout et j’ai développé une fascination particulière pour la Chine.
En quelques mots, une journée typique.
Au temps du Covid ? Attention c’est incroyable :
Petit déjeuner, yoga quand j’ai la motivation, café !
Composition ou écriture ou dessin jusqu’à 13h, déjeuner, café !
Reprise du travail, sortie vers 16h-17h : soit un tour en vélo soit je passe voir mon label pour des promos (il y en a encore et c’est chouette !), coup de fil à un proche, dîner, film ou série, lecture vers 23h30-minuit quoi qu’il arrive et dodo.
Et au milieu de tout ça, la radio, instagram, du piano, un coucou du voisin pour voir si tout va bien.
Quelle est ta principale détente quand tu as un moment de libre.
Dormir ! Sinon regarder un film je crois. Le cinéma réussit le miracle de me détendre et de me nourrir en même temps.
As-tu lu un livre qui t’a chamboulé ces temps ci.
Je suis en train de lire « le consentement » de Vanessa Sprigora et je suis choquée à chaque page par cette histoire.
Sur un thème moins affreux, j’ai terminé « Une bête au paradis » de Cécile Coulon que j’ai trouvé très fort, à mi-chemin entre Steinbeck version France profonde et Stephen King pour l’atmosphère et les gouttes de sang de-ci de-là. Je recommande.
Pour toi quelle est la conception du beau.
Pour moi, le beau c’est l’authentique.
Je crois qu’il n’y a rien de plus saisissant et émouvant que la vérité. La vérité peut se montrer à travers une représentation, une image, un élément fabriqué comme une chanson, un poème, une photographie.
Si le fond, le message est vrai, alors le beau est là.
Comment te vois tu dans 10 ans.
Je me vois avec dix ans de plus, une guitare dans une main et mon carnet de chansons dans l’autre.
Merci à toi Clou, de tout coeur pour cet échange.
Nous aussi nous serons encore en train de t’écouter en boucle dans 10 ans.
Photos de Manon Villemonteil.