Sophie-Charlotte avait eu la gentillesse et le courage de répondre à mes questions pour son premier portrait, 2 mois après le décès de son mari Ben. J’allais vers elle et sa famille, non pas par voyeurisme . Mais plutôt avec l’envie de lui faire le cadeau de la bienveillance et en étant certaine du pouvoir calmant des mots.
Vous pouvez relire son portrait du printemps en cliquant ici.
Il y a 3 ans j’avais lancé les portraits du « tout est possible » spécial famille. Je voulais que l’on parle d’éducation positive et des richesses que l’on peut transmettre à ses enfants dés leur plus jeune âge.
Que le « tout est possible » doit être une phrase entendue et transmise le plus souvent possible pour être prêt à affronter le monde avec comme bagages l’estime et la confiance en soi.
Il y a 3 ans Sophie (beaucoup de Sophie sur ce blog) nous faisait l’honneur d’inaugurer cette partie. Vous pouvez découvrir son portrait en cliquant ici.
Cette fois-ci c’est donc Sophie-Charlotte entrepreneure et maman solo depuis le 14 février de cette année.
Comment se prénomment tes enfants et quel âge ont- ils. Quelle est la personnalité de chacun. Sont-ils très différents ou se complètent- ils. S’apportent- ils l’un à l’autre.
J’ai trois enfants, ils ont respectivement 13, 12 et 8 ans.
Ma grande s’appelle Victoria, elle est très mature, autonome, elle se distingue de ses frères par ses aptitudes littéraires, son côté artiste et sa créativité débordante.
C’est une seconde maman pour eux, elle prend beaucoup de choses en charge dans la maison, à commencer par la cuisine. Elle adore ranger la maison de A à Z pour qu’elle ressemble à une photo de Pinterest.
Mon second, Nicholas, est un intellectuel, un philosophe qui s’ignore. C’est un scientifique né, les chiffres le passionnent, les planètes, les volcans, les dinosaures, l’univers…
Bref des clichés de garçon qui l’animent quotidiennement et soulèvent chez lui des tonnes de questions auxquelles je n’ai pas toujours la réponse.
Il aime aussi la géographie et les cartes du monde. Ce n’est pas un féru de lecture mais il y remédie en écoutant les livres au format audio, ce qui est d’un vrai secours pour lui comme pour moi !
Mon petit dernier, James, est du même signe astrologique que moi : Lion. Tout feu, tout flamme.
Il ne se laisse pas démonter par sa position de troisième dans la fratrie. Il dit ce qu’il pense, ne se forcera pas pour convenir aux autres. Du haut de ses 8 ans, il a déjà un caractère bien trempé qui me donne du fil à retordre au quotidien.
Vous vivez depuis le mois de février, une situation très délicate et difficile puisque vous avez perdu toi ton mari, et pour tes enfants leur papa. Comment se passe cette période de l’après avec des enfants si jeunes. Veux – tu nous expliquer votre vie, et la façon dont tu abordes avec tes enfants ce manque ?
Nous parlons beaucoup de Ben, mon mari, leur papa.
Son départ n’est pas un taboo.
J’ai la chance d’avoir des enfants qui posent beaucoup de questions et dans la mesure du possible et de mes connaissances ou de mes croyances, j’essaie de leur répondre. De leur apporter des éléments de réassurance même s’ils se feront leur propre avis.
Leurs questions sont légitimes. Je ne leur cache rien mais il est parfois difficile de trouver les bons mots pour de si jeunes enfants. Quand on est adulte, on se perd dans un vocabulaire de « grands ».
Ben était anglais et j’ai toujours insisté sur le lien avec leur second pays, et je continue de le vouloir. La présence et la disponibilité, même à distance (merci la pandémie et le confinement) leur sont d’une aide précieuse.
On ne peut pas combler ce vide. Il faut d’abord l’accepter et je sais, pour avoir aussi perdu mon père jeune (j’avais quand-même 17 ans donc le double de l’âge de mon dernier) que cela pourra prendre des années.
On peut apprivoiser le manque au fil du temps, apprendre à vivre avec son parent disparu. Transformer son absence physique en une présence mentale. Mais il faut de l’expérience pour cela, et seules les années qu’ils vivront désormais le leur permettront.
Nous vivons en plus de cette épreuve qui vous est personnelle , une pandémie mondiale. Ce qui rajoute je pense du stress dans votre cocon. Est-ce le cas?
Oui tout à fait. Notre environnement personnel et l’environnement sanitaire nous ont rendu la vie bien moins légère.
L’innocence des premières années de la vie d’un enfant s’en est allée chez nous en quelques semaines.
Côtoyer la mort avant même d’être ado et enchaîner sur un confinement sans précédent, cela fait beaucoup quand on n’a même pas 10 ans, même pas 15 ans.
Le confort de notre quotidien « d’avant » a été remplacé par une dose d’anxiété quotidienne.
S’interroger si jeunes sur la mort, sur ses raisons, sur l’après, sur le pourquoi.
Rajouter à cela les préoccupations économiques et sanitaires du pays auxquelles les enfants sont malgré eux confrontés.
Ne plus pouvoir prévoir, croiser les doigts en permanence, avancer sur des œufs, utiliser le mot « si » dix mille fois par jour au cas où ce qu’on a organisé pour la semaine suivante tombe à l’eau.
As-tu voulu suivre pour tes enfants, l’éducation que ta maman t’a donnée ou fait l’inverse.
Je pense qu’en majorité, je reproduis le schéma éducatif que mes parents ont suivi.
Je suis sûrement moins stricte, plus positive, moins cassante je l’espère, notamment dans le choix de mes mots.
Nous disposons de nos jours de tellement de lecture sur la parentalité et notamment sur la pédagogie positive que j’essaie de « bien faire ».
Une chose que je partage, pour sûr, avec la façon dont mes parents m’ont élevée, ce sont les valeurs. L’importance des valeurs de vie que sont : le travail, la politesse et la transmission. Rien n’est acquis dans la vie, il faut travailler et ne pas attendre que tout nous soit donné ou offert.
Comme je le mentionne ci-dessus, j’ai perdu mon père jeune, un homme singulier également.
De mon éducation, je retiens plutôt ce qu’il m’a inculqué. Sa vision de la vie, ses idées extraordinaires, son sens de l’observation, sa répartie et son humour.
L’humour, voilà une autre chose que j’essaie aussi de leur transmettre. On peut rire de tout, on peut sourire tous les jours, même dans notre situation.
On peut rire du mort, parce que ses bêtises et ses anecdotes nous font et nous ferons toujours rire.
De quoi es – tu le plus fière, à ce chemin de leur vie, d’avoir aidé à contribuer, de leur avoir insufflé?
Oh cela est une question bien difficile, et je ne suis pas seule dans cette contribution, mon mari y est et y sera pour beaucoup.
Leur double culture est quelque chose dont je suis en effet fière, ils naviguent entre la France et l’Angleterre, dans des temps où les politiques n’arrangent rien.
Passer la frontière ces dernières années entre terrorisme, immigration, Brexit et confinement n’est pas une chose anodine.
Assumer sa double nationalité, dans une France qui n’aime pas toujours les anglais et pour qui le racisme est pourtant un crime que l’on condamne est une épreuve.
Ils apprennent à composer avec leur différence et je n’ai aucun doute sur la force de caractère que cette situation leur donnera.
La soif de connaissance est aussi une chose que j’essaie de cultiver chez eux.
S’intéresser, se poser des questions, s’interroger, être et rester curieux en permanence. Remettre en question, ne pas accepter le « on dit » et le « main stream » juste parce que c’est écrit sur les réseaux ou parce que les autres le pensent.
Et bien entendu, je suis extrêmement fière de la façon dont ils font preuve tous les jours depuis le départ de leur papa d’autant de courage et de résilience.
Les enfants sont surprenants, toujours plein de ressources insoupçonnées.
Ils me sont d’un soutien et d’un réconfort précieux.
Comment leur inculques-tu que “tout est possible” dans la vie ?
La vie s’en charge pour moi….
Nous en avons fait l’expérience toute cette année 2020 malheureusement. Mais si tout est possible d’un côté, alors tout est possible dans le bon côté des choses aussi, c’est un peu comme la théorie de l’infini de part et d’autre du point 0.
Mon second est passionné par l’univers et notamment par Mars, il rêve de faire partie du premier équipage qui s’y envolera.
Aujourd’hui, je vis ce rêve avec lui, non pas pour lui faire possible mais parce que je sais que j’ai aussi ma part des choses à faire dans ce rêve : à commencer par ne pas le saboter à la base en lui disant qu’il n’a qu’une infime petite chance qu’il puisse décoller pour la planète rouge.
Je répète souvent que tout est possible mais qu’il n’y a rien de facile.
S’inspirer d’histoires de personnes ordinaires mais aux destins incroyables est aussi ma façon de leur montrer que nous avons tous en nous le potentiel qu’il faut pour atteindre le « tout est possible ».
Par quel biais leur montres-tu que l’art (sous toutes ses formes) est important pour mieux ressentir la Beauté du Monde.
Quand c’est possible, j’aime les emmener découvrir « autre chose » : un musée, une activité, un endroit nouveau (en France ou en Angleterre).
Prendre le temps de leur parler, de leur poser des questions, et d’écouter leurs réponses. J’avoue que ce n’est pas possible tous les jours.
Ils me reprochent d’être moins présente et moins disponible depuis que j’ai repris à travailler quasi à temps complet depuis le mois de septembre.
Nos sorties et les activités que nous aurions pu faire ne sont plus aussi faciles depuis la pandémie alors nous faisons quelque chose de très simple, à la portée de tous : nous partons en balade, et nous ouvrons les yeux.
L’art est partout et la première artiste est Dame Nature, elle-même.
Remarquer les petits détails, ce qu’il y a de nouveau ou de différent dans chaque jour.
Les couleurs qui évoluent, la végétation qui change, un même paysage prend tant de visage différent si on apprend à ouvrir les yeux.
La dernière en date : une balade sous le soleil de l’automne entre 16 et 17h.
La lumière était magique, on aurait dit des rayons d’or, je leur ai appris l’expression, connue des photographes et des artistes notamment, la « golden hour ».
Depuis, mon second m’en parle tous les jours…
La lecture a t- elle une place importante chez vous et chez tes enfants ?
Pas autant que je l’aimerais !
Oh ils lisent sur les écrans mais pas assez dans les livres selon moi.
Mais les livres gardent une grande place dans leur chambre car ils adorent les histoires.
Les garçons aiment que je leur lise une histoire ou un chapitre le soir. Le temps me manque désormais cruellement mais dans la mesure du possible, j’essaie de lire quelques pages avec eux.
Ils ont chacun leurs préférences mais nous avons tous un penchant pour les histoires vraies, les parcours d’hommes et femmes inspirants.
J’aime beaucoup les livres qui reprennent la vie d’un personnage historique, d’un scientifique, d’un saint ou d’un artiste mais avec des mots qui le mettent à la portée des enfants.
C’st un vrai plaisir de les lire aux enfants. Mes enfants ont ainsi découvert la vie de Jeanne d’Arc ; de Leonard de Vinci, d’Albert Einstein ou encore de Thomas Pesquet, qui fascine mon grand.
Es -tu satisfaite et fière de ce que tu as donné jusqu’ici à tes enfants ou changerais-tu certains moments ?
J’aimerais tant pouvoir leur donner plus de temps avec leur papa, c’est impossible, on ne peut refaire l’histoire, on ne peut rien changer, on ne peut agir que sur le futur…
Je ne sais pas si je suis satisfaite ou fière, je ne me pose pas la question. Et je crois ne pas vouloir y répondre en réalité. Mais je suis certaine d’une chose, je fais tout ce que je peux pour assurer au quotidien et leur apporter ce dont ils ont besoin, en matériel comme en immatériel.
Je ferai encore plein d’erreur, je suis loin d’être parfaite, je ne cherche d’ailleurs pas à l’être.
Je souhaite par contre qu’ils soient un jour fiers de moi et satisfaits de leur vie malgré ses débuts si rudes….
Merci à toi une fois de plus Sophie – Charlotte pour cet entretien.
N’hésitez pas à laisser une commentaire pour Sophie et ses enfants. Ils ont beaucoup de courage mais envoyer de l’amour et de la compassion par des mots augmentera leur optimisme.