Comment j’ai atterri dans un cabaret parisien vers 2006 moi la petite fille aux cheveux courts que vous connaissez des « chroniques d’une hypersensible » ?
Tu vas sans doute te dire, mais elle n’est pas danseuse Nath. Comment a-t-elle fait pour accéder à une salle mythique ? Et je rajouterai ce que j’ai pu deviner à travers certains étonnements de l’époque :« bah avec ton physique ? ». J’ai travaillé à l’accueil en tant que responsable et pour cela pas besoin de ressembler à une bombe.
J’avais enfin démissionné de mes 7 ans de vie dans un grand tour operateur parisien. Et j’étais dans une période où je ne savais pas vraiment où je pourrai me sentir bien. J’avais démissionné à la suite d’une overdose de téléphone mais aussi pour avoir un salaire plus conséquent. Un vrai parcours du combattant cette recherche de hausse de salaire dans le monde du tourisme.
Un soir où je regardais les annonces de Pôle Emploi dans mon appartement parisien, je suis tombée sur une annonce pour ce cabaret. J’étais excitée de suite en me demandant ce que cette annonce faisait là. Mais bon en même temps, vivant à Paris, cela n’aurait pas dû me surprendre plus que ça, n’est-ce pas ? J’ai lu l’annonce plus en détails « s’occuper de l’accueil et donc des 3 autres personnes ». C’est ce que je cherchais. C’était le début de ce désir de m’occuper d’une équipe. Cette envie était très puissante. Je ne savais pas vers où cette envie allait me conduire en tant que femme hypersensible ni ce qu’elle allait m’apprendre sur moi. Je n’étais pas encore pleinement consciente à cette époque de tout ce que l’on peut apprendre sur soi dans le domaine des expériences professionnelles.
Tout ce que je peux dire c’est qu’elle fut une expérience difficile et riche. Une chance !
J’ai postulé et quelques heures plus tard, le responsable m’a contacté pour que l’on se voit le lendemain. Il m’a fait visiter les arrières du cabaret. C’était une étrange sensation de me retrouver là où tant de spectacles se jouaient depuis des décennies, où l’odeur des alcools et des effluves humaines se mélangeaient chaque soir.
Il n’y avait aucune hausse de salaire par rapport à mon ancien job,mais dire non, aurait été refusée une opportunité originale. J’avais dit oui à une aventure de 6 mois. 6 mois c’est si peu dans une carrière pro. Et en même temps, cela peut-être un changement radical pour l’avenir et la continuité de la connaissance de mon fonctionnement.
J’ai donc pris mes marques à l’accueil de ce cabaret. Tous les matins, je devais ouvrir les grilles, mettre les affiches sur les murs du bâtiment extérieur et les brochures à la vue des passants. Allumer et faire en sorte que tout soit ok avant l’arrivée des clients de passage, des appels téléphoniques, et de la mise en place papier des 2 shows du soir. C’est difficile de comprendre comment il peut y avoir autant de travail dès 9h du matin alors que le show est le soir. C’est une vraie ruche. Le soir vous avez les barmen qui doivent savoir qui sont les clients, ce à quoi ils ont droit dans leur consommation, où ils seront placés. Et quand ils arrivent à 17h, tout de mon côté doit être prêt.
Cette expérience professionnelle a eu lieu en 2006, il y a donc 16 ans. Je pense et espère donc que la manière de travailler à l’accueil a dû changer.
J’ai eu cette chance d’y travailler quand Arielle D y a fait son show. Je dis chance car toute l’adrénaline qui en est sortie était faîte pour moi. J’aime travailler dans le rush et là j’ai été servie. Au point où même en étant 3 à l’accueil, nous ne pouvions être prêtes à temps dans notre rapport de réservation de 17h.
Imagine-moi assise sur mon siège en hauteur, chaudement vêtue car les portes s’ouvrent sans cesse (et nous étions en plein hiver.) Avec une file de clients devant moi prêts à dégainer leur CB. Plus ceux au téléphone. Avec l’obligation de faire mon rapport de réservations pour 17h aux barmen/ serveurs qui étaient dans ce cabaret depuis des décennies et qui ne comprenaient pas que tout ne soit pas prêt. Alors que nous n’avions que si peu de temps pour déjeuner que j’avalais un truc en 10 mn à l’arrière.
Un stress monumental et en même temps jouissif. J’arrivais le matin et ne repartais que tard chez moi avec toujours cette adrénaline en arrivant chez moi. Que j’aimais cela ! La folie de la vie parisienne à son apogée.
J’ai assisté au spectacle tellement de fois que j’ai fini par m’en lasser. Mais j’aimais cette effervescence, cette salle pleine et surtout je me suis rendu compte que j’avais un don.
Un don qui s’est ouvert à moi dans sa pleine puissance et sa pleine utilité pendant ces soirées spéciales où le « tout Paris » venait assister au spectacle de Arielle D. J’avais le don pour reconnaître les hommes politiques, les écrivains, les designers… Celles qui étaient censées s’occuper des VIP étaient complétement larguées et ne reconnaissaient quasi personne. Comme quoi, un talent de physionomiste peut être très utile quand il est plus que nécessaire. Et c’est une des particularités de certains hypersensibles. Qui fait jouer la mémoire et la culture générale.
Je restais donc au cabaret pendant cette période plus de 15 h par jour. J’aurai pu partir mais je pouvais au moins gérer la file d’invités et les couacs obligatoires de soirée. De la folie ! Notez que pendant ces 6 mois, je n’ai croisé les danseuses qu’une seule fois. Nous avions nos entrées et nos horaires différents et leur manière hautaine de nous croiser parfois n’avait rien d’engageant.
Je me souviens de BHL qui s’inquiétait qu’il n’y ait pas de spectateurs suffisants alors que la demande de réservation ne s’arrêtait jamais. Je l’avais rassuré quand il était venu me parler, chemise ouverte et cheveux ébouriffés. Dans toute sa légende devant moi ! Ah ah !
En revanche, adrénaline et rencontre du « tout Paris » mis de côté, il y a eu 2 côtés beaucoup plus difficiles à gérer en tant que femme atypique.
Je n’ai absolument pas pris en main mon rôle de responsable face aux 3 personnes dont je m’occupais. Et cette assise que je n’avais pas, j’y reviendrai dans certaines prochaines chroniques.
A part savoir comment améliorer la cadence en distribuant les tâches, faire les plannings, résoudre les soucis, je n’avais pas mon rôle en main. Une de mes « collègues » m’avait d’ailleurs dit « Nous ne t’avons jamais vu comme notre responsable ». J’avais loupé le coche pour ce 1er rôle de manager. Moi qui ai eu tendance pendant mes rôles de manager à mettre tout le monde dont moi (oups) sur le même niveau. Et à essayer inconsciemment d’être « aimée ».
J’ai eu aussi à gérer le narcissisme du responsable commercial arrivé en même temps que moi. Non pas cet homme qui m’avait embauché et que je ne voyais jamais mais ce tout nouveau qui voulait faire sa place et voyait bien que toute l’attention était portée sur moi et ce que l’on me demandait. Un vrai cauchemar j’ai vécu au quotidien avec cette personne. Il a été viré peu de temps après mon départ.
Ce qui est inoubliable dans cette aventure pro, parce que l’on peut bien parler de véritable aventure, ce fût le côté humain que j’ai eu avec des centaines d’invités. Ce contact qui pour moi, ancienne enfant-ado timide était tellement puissant et vivifiant. Que cela me manque.
Et c’est ce que je retiendrai de ces 6 mois : La mise en avant sans le savoir de certains de mes talents. La continuité de ma découverte professionnelle. Comme je disais 6 mois c’est peu dans une vie pro mais cela peut amener vers des opportunités. Il faut dire oui très vite quand on a cela devant soi. Parce que même si rien n’est jamais parfait, elles font grandir tellement plus vite.
Et la petite Nathalie de 5 ans qui regardait le show de ce cabaret chaque 31 décembre avec son père devant la télévision (oui c’était une époque qui n’existerait plus !) n’imaginait même pas à l’époque qu’il puisse y avoir des personnes qui pouvaient juste s’occuper d’un accueil et d’aller à la rencontre des invités. Une autre planète pour elle mais qu’elle a quand même eu la chance de connaître.
Tout est possible !
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